Un cookie, son histoire.
Lorsque vous vous baladez dans les sentiers fleuris du Web, vous utilisez un navigateur web. C’est ce logiciel qui permet d’afficher une page web. Par exemple, Firefox est un navigateur. Google Chrome est un navigateur. Ces logiciels vont communiquer avec un site web, en principe celui que vous êtes en train de visiter, pour recevoir et envoyer des instructions, comme « comment afficher une page », « quelle requête faire ensuite », etc… Parmi les requêtes que peut faire un site web, il pourra demander à votre navigateur de stocker de l’information dans un fichier, pour pouvoir y accéder dans le futur, lors de vos prochaines visites. Ce fichier, on appelle ça un cookie.
Résumons ; un cookie, c’est un fichier dans lequel votre navigateur va mettre des informations, sur demande des sites web que vous visitez. Nous devons le nom de cookie à Lou Montulli.
Comment un cookie surveille.
À partir de là, il faut bien se demander de quelle manière on aboutit à un système de surveillance globale.
Un cookie n’est pas mauvais en soit, et il est d’ailleurs nécessaire dans plein de cas. On l’utilise par exemple pour conserver des informations de connexion, ou un panier lors d’un achat sur le web. Ce qui importe donc, c’est ce qu’on met dans le cookie, et surtout qui demande à déposer le cookie.
Lorsque vous visitez un site web, ce dernier peut demander à mettre des cookies sur votre ordinateur pour plusieurs raisons, de fonctionnement notamment, mais ceux qui nous intéressent ici, ce sont les cookies de mesure d’audience et de publicité. Ils sont souvent créés par du code venant de régies publicitaires, des groupements de publicitaires et de médias, comme Google Adsens ou New Relic, pour ne citer que les plus connus, mais il en existe des centaines et des centaines d’autres. Ce code est le plus souvent chargé quand vous visitez la page, sans que vous n’en soyez averti.
Ces régies vont déposer des cookies contenant le plus souvent un identifiant unique. Et comme ces régies sont présentes sur de multiples sites web , elles vont pouvoir vous suivre de site en site, grâce à cet identifiant. Cela leur donne accès à une partie de votre historique de navigation, mais aussi à tout un tas d’informations privées : combien de temps vous restez sur une page, sur quels liens vous cliquez… Imaginez un tas de publicitaires regardant par dessus votre épaule en prenant des notes quand vous naviguez.
Leurs notes vont être sauvegardées, et leur consolidation va aboutir à la création d’une fiche sur vous. Fiche qui sera utilisée pour vous influencer, par exemple à travers la publicité ciblée, mais aussi pour vous surveiller. Ces informations peuvent être revendues à des personnes tierces dont les intentions ne sont pas forcément connues. Au fur et à mesure, il devient possible de vous identifier personnellement, et donc d’influencer vos choix, de façon subtile et quasi indétectable. Par exemple, en fonction de vos opinions politiques, vous n’aurez pas les mêmes résultats dans vos recherches que vos amis, pour la même requête..
Ces données peuvent aussi être utilisées dans le cadre d’une surveillance policière, ou un procès. Cela peut vous amener à vous censurer par vous-mêmes : éviter de faire des recherches par peur que cela se retourne contre nous. Et oui, tout le monde à quelque chose à cacher, même vous : jenairienacacher.fr .
Et surtout, cela conduit à une société panoptique, ou société-prison, dont les conséquences sont désastreuses. Sous l’effet d’une surveillance constante, on se retrouve à ne plus pouvoir s’exprimer librement, notamment à cause de la disparition de l’anonymat et de la vie privée. En somme, ce qui permet à une démocratie saine d’exister.
Légalement, c’est quoi la recette ?
Quelle est la légalité de ce système de surveillance ? La loi dit, à travers la CNIL et le RGPD, dont vous avez peut-être entendu parler, que vous pouvez consentir à être sous surveillance, mais aussi que vous avez le droit de la refuser. Il faut, pour que puissiez faire votre choix, qu’il soit ;
- libre : avoir réellement le choix, sans que ce choix ne soit contraint ou influencé ;
- éclairé : savoir à quoi on consent ;
- univoque : que vous consentiez explicitement. En cliquant sur « Accepter » par exemple. Continuer la navigation sans répondre, ça n’est pas un consentement univoque par exemple.
- spécifique : une finalité à la fois. L’analyse ok, la vente ok, mais pas en même temps.
Face aux cookies, que faire ?
Vu que les cookies sont gérés par votre navigateur, c’est avant tout là que la bataille a lieu. Au final, refuser des cookies sur un site web, même s’il existe une protection légale, rien ne garantit qu’elle sera vraiment respectée. Évidemment, vous devriez refuser les cookies. Mais c’est souvent rendu le plus compliqué possible : des centaines d’options à cocher, attendre que nos options soient prises en compte, naviguer entre plusieurs pages…
Et dernièrement, certains sites web vont jusqu’à vous refuser l’accès si vous n’acceptez pas leurs cookies, en vous donnant la possibilité de payer pour échapper à la surveillance. Le Conseil d’État dit que la légalité de cette pratique est à voir au cas par cas, autant dire que ça ne risque pas de s’en aller du jour au lendemain. Dans ce cas, la solution est donc de configurer votre navigateur, au moyen d’extensions, pour pouvoir accepter les cookies et donc accéder au site, sans que vous ne soyez pisté, dans les faits.
Tout d’abord, n’utilisez pas Google Chrome. Vu que l’intérêt de Google en matière de surveillance est directement opposé au vôtre, son navigateur est construit pour rendre la protection de la vie privée difficile. Nous recommandons donc des extensions pour Firefox, dont le code source est libre. Les voici donc ;
- UBlock Origin, un bloqueur général de contenu, y compris les pubs, et les scripts tiers, qui pourraient mettre des cookies. À ne pas confondre avec UBlock, version frelatée de la même extension.
- Privacy Badger, réalisé par nos camarades de l’EFF (Electronic Frontier Foundation), qui va mettre en place plusieurs mesures comme le blocage de cookies tiers, le nettoyage des URLs pour en enlever les traceurs. L’idée est de vous protéger sans avoir besoin de configurer quoique ce soit.
En dépit de tout ceci, pour être vraiment sûr de ce qu’il y a sur votre ordinateur, vous pouvez aller voir par vous-mêmes dans votre profil Firefox..
En allant un peu plus loin, on peut se poser la question de comment résoudre le problème à la base. Installer des extensions, ça nous protège nous, mais quid de nos proches ? L’utilisation des cookies n’étant un problème que dans le contexte du capitalisme de surveillance, c’est donc à lui qu’il faut s’attaquer directement.
En somme, trouver un autre moyen pour le web et l’internet d’exister, sans avoir besoin de connaître les goûts et opinions de tout le monde. Nous avons déjà écris à ce sujet ici et là.
Le cookie, un outil parmi d’autres pour la surveillance.
Malgré le blocage des cookies, le problème de la surveillance sur internet n’est que partiellement résolu. Il existe d’autres moyens, à d’autres niveaux, pour enregistrer ce que vous lisez. Notamment, le blocage des cookies lui-même rencontre des limites, comme nous en avions parlé dans cet article sur le déguisement des trackers pour échapper au blocage.
On pense aussi à l’utilisation de l’empreinte numérique unique de votre navigateur, que vous pouvez découvrir ici avec l’outil de l’EFF. Les fournisseurs d’accès à Internet peuvent aussi surveiller ce que vous consultez, et ils ont d’ailleurs l’obligation de le faire selon le droit français, qui est là en totale contradiction avec le droit européen.
Heureusement, d’autres avant nous ont développé des outils et des ressources autour de l’autodéfense numérique, avec lesquelles se former et se renseigner, dont voici un extrait ci dessous ;
- https://ssd.eff.org/fr – Autodéfense contre la surveillance
- https://guide.boum.org/ – Le Guide de l’autodéfense numérique
- https://zadducarnet.org/index.php/2021/01/10/guide-de-survie/ – Guide de survie en protection numérique à l’usage des militant·es
Nous espérons que cet article vous aura appris quelque chose, et que le soucis des cookies vous paraît plus clair. Si vous souhaitez nous aider à lutter pour un internet libre et sans surveillance, n’hésitez pas à venir nous parler, et à partager cet article autour de vous 🙂
Illustration « 210202 » par Sayama via http://openprocessing.org/sketch/1085727
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